Même pas un sourire
Maman, il me semble que tu as passé un cap, celui de la vie, et que tu dérives doucement dans un no man's land, duquel tu n'as presque plus la force de parler et pas même celle de sourire. Je te caresse doucement le visage, essayant d'imprimer tes traits dans mes mains, je cherche à retenir le sable qui coule sans bruit, inexorable. Ton regard a pris ce vide effrayant qu'on voit aux yeux des vieilles personnes abandonnées, cette expression de ne plus rien attendre et d'avoir été oubliées là.
Car tu es abandonnée. La médecine ne cherche plus rien avec toi et les soins de confort élémentaire ne te sont pas prodigués. C'est à cette indigne façon de traiter les personnes âgées en fin de vie que l'on mesure combien notre société s'est déshumanisée, barbarisée même. Je n'entrerai pas dans les détails sordides, mais mon coeur de fille saigne et se révolte ! Les mourants n'ont-ils pas droit à des égards particuliers ?
Je vais discuter avec le médecin pour voir si nous pourrions envisager un retour à la maison, dans le cadre d'une hospitalisation à domicile. J'ai l'impression qu'il faudra lutter pied à pied contre des "critères" dans lesquels il semble que tu ne rentres pas. Faudra-t-il inventer un jour un service de mort à domicile ?