Que te répondre ?
Je viens de passer deux longues heures avec toi, deux heures à te caresser la main et le front, à essayer de t'infuser tout mon amour tandis que tu continues à glisser toujours plus loin. Hier était un jour de grand sommeil pour toi, tu as à peine communiqué avec ta petite-fille venue de loin pour te voir. Aujourd'hui c'est différent : tu n'as pas cessé de scruter intensément mes yeux, sans que je puisse déchiffrer vraiment tes paroles muettes.
Ton regard est si triste, à la fois détaché de tout et infiniment vaste... Désolation de nous quitter ? Quête de la vérité ? Effroi par rapport à un au-delà inconnu ? Aspiration à la délivrance ? Il y avait tout ça dans tes yeux, et plus encore, dans tes yeux grand ouverts qui me demandaient confirmation de tout ce que tu ressens, qui me demandaient peut-être le sens de cette dure épreuve finale.
Que te répondre ? J'ai l'impression que mes mots de tous les jours sont ridiculement petits, hors de propos, presqu'une insulte à la gravité de ton état. Je cherche que dire et je ne sais pas, alors ma main enlace la tienne et la presse, mon pouce parcourt ton front et le lisse, je sculpte tes cheveux et les frictionne doucement. Et la seule parole adaptée, la seule qui soit vraie, je te la dis et redis sans cesse : "Maman, je t'aime ! ".